29 avril 2008

Carnets pelés 20 - Printemps labourés


Paris, le 24 avril 1986

C’est un peu pêle-mêle le nom des rues, des places, le nord, le sud.
J’ai amené mon «guide touristique »... Rue Pigalle, les alentours, tours tours, dans Les nouvelles d’Édouard de Michel Tremblay, page 216 : devanture chez Maune (ou Maurice); Moulin Rouge; place Blanche, boulevard Barbe, Sacré-Coeur, rue du Poulet...

Dans les minuscules rues noires qui montent, c’est leur Main avec un essaim de putes écourtichées.

Autour de la Place de l’Opéra, je vois dans la vitrine d’un libraire un livre ouvert avec une dédicace de Paul Éluard. Plus loin, le bar Ernest Hemingway qui semble être un club select plutôt rébarbatif à l'idée que Paris est une fête.


Montréal, début juin 1986

C’est la canicule. Dans le métro, on peine. Sur le banc voisin se trouve Michel Tremblay. J’ose engager la conversation parce je tiens absolument à lui dire que j’ai exploré Paris à partir de ses Nouvelles d’Édouard. Nous échangeons facilement comme si nous nous connaissions depuis toujours. Puis il descend à Cadillac avec moi. Il m’explique qu’il est en tournage pour Radio-Can dans une église des environs. Une oeuvre de jeunesse inédite. Histoire d’une noce qui vire tout croche.


Train Paris-Montauban, 26 avril 1986

Coût du voyage : 239 francs.
Café : 10 francs.

J’ai traversé une kyrielle de villes depuis Châteauroux.

Les pommiers sont en fleurs.
Les jardins sont levés.
Les prairies sont verdoyantes. Un beau vert.

À ce point-ci, toutefois, les terres se font plus rocailleuses; la forêt devient maigrichonne. J’ai vu paître ici et là des moutons en grappes.

J’ai la tête un peu vide.


Montréal, 29 mars 2000

Marchant ce matin sur la rue Sherbrooke en direction du métro Honoré-Beaugrand, mes pieds me conduisaient comme ceux d’un vagabond. J’ai trop bu de Ronsard et de Villon, hier soir. J’ai des couleuvres foncées encore plein la tête. Comment aller honnêtement travailler dans un état pareil?


Trois-Rivières, 13 mai 2000

Hôtel Delta, minuit passé.

Je prends un drambuie au bar et je suis super gentil avec la serveuse. Puis je sors. De la rue Georges, je gagne le boul. des Forges. Il y a plusieurs spots pour boire, danser. Ça ne m’intéresse pas. Je tombe de fatigue. Je serai en service tôt demain matin. Je voulais seulement voir déambuler le monde ici, un vendredi soir. Malgré le froid humide, j’en claque des dents, je croise des gars en manches courtes, des filles en cuisses. Téméraire jeunesse.


Montréal, 9 mai 2003

Direction l’Alizé. C’est le FIL. Je m’en vais y lire mes textes. Je suis nerveux, mais comme figé.

Pierre St-Jak accompagne les lecteurs. C’est crissement le fun.

Ça s’est bien passé. J’avais la tremblotte, mais je n’ai pas fait d’erreur. Mon intervention à l’harmonica a été pertinente.

Après, on s’est ramassé chez So. J’ai mal bouffé. Je n’étais pas là. J’étais encore accroché aux fils d’or de mon petit tapis magique. Je ne suis pas très habitué au public.

Je pensais aux bons mots de Michel Garneau à l’égard de ses invités (Cynthia Girard, Hélène Boissé et moi). Il a parlé d’écriture frère, de poètes ayant leur propre voix et qui travaillent dans le réel, non pas à partir de l’expérience poétique des autres.

Bruno Roy m’a dit avoir vu du Miron à cause de la présence des bêtes dans mes textes.

Gaétan Dostie m’a dit avoir été très touché.

Un inconnu assez jeune est venu me remercier pour ma lecture.

La belle Violaine Forest note mon adresse courriel : elle dit vouloir m'inviter à son émission Le bal des oiseaux.


Montréal, le 27 mai 1997

Première vraie journée de soleil printanier.


Le 1er avril 1997

Jacques Brault reprenant Proust : « Tous les grands écrivains se ressemblent; ils font se rencontrer le passé, le présent, l’avenir ».


Le 4 juin 1991

Le P’tit Bar. Sylvain joue du sax avec Richard Gendreau.

Ce matin, à bicyclette, je hurlais une chanson de mon cru, pour l’air du temps. « La boucane vous fera mal. Mais c’est normal. » Référence sans doute à l’article de Serge Truffaut sur Hawkins, dans Le Devoir de samedi dernier. En substance, il écrivait : le jazz, c’est comme la boucane; ça sent!

Cet après-midi, Michaël La Chance m’a cité un extrait de son Forger l’effroi. Il y avait, entre autres, cette phrase que je ne juge pas et cite de mémoire : « Et je n’ai pas su rester digne dans le malheur ».


12 juin 1994

J’écoute en ce moment Portraits, the last day, de Randy Weston, le subtil gaillard. Il décoche des ambiances tantôt de pluie averse, tantôt de soleil dardant. On est à fleur de notes. Tout le temps.


10 mars 2007

Par un samedi gris, Au Quai des Brumes avec Nina qui me parle de Mike Graig et de sa vie de chanteuse. Pendant qu’elle va aux toilettes, je commande d’autres bières, j’écris à la va-vite des phrases pour un aveugle. Un intense voisin de table est en feu, on dirait; il lit un livre dont je ne me rappelle plus le titre. Il nous refile comme une urgence définitive cette autre référence : Guide de Mongolie de Svetislav Basara.



***

28 avril 2008

Demain, les pommiers en fleurs

Recommencer!
Sur vieux fond de Kipling...
Feuilles, os, plumes, compost
Un pic-bois a picossé des deux côtés
La base d'un sapin géant
Transplanté lorsque nous étions enfants
Tous les deux...

Le printemps n'est pas toujours fin
avec les grandeurs nature

Recommencer! Tirer les roches!
De la terre sous les ongles
Avec un rang de carottes, un rang d'oignons
de la ciboulette, de la laitue, du basilic...

S'il gèle, tant pis

Demain, les sauvageons seront en fleurs.







Photos : jd.

26 avril 2008

Anonyme saxo de la rue



Musicien de la rue, du métro. Une grosse pointure. J'ignore son nom. Je crois qu'il est d'origine italienne. Il a un côté bourru. Je l'ai vu souvent jadis dans le passage du métro vers la Place des Arts. Je le revois parfois au métro du Square Victoria. Je lui tire une piastre avec plaisir. Avec reconnaissance. Son jeu est dense, précis; son phrasé est masculin, si cela peut se dire.

Jacques Nadeau du journal Le Devoir l'avait photographié sur la rue en pleine exécution. La photo a paru en première page le 28 avril 1998.

21 avril 2008

Vivre en ce pays...

«Nous voulons vivre dans un pays inspiré.»

- Hugo Latulippe, Manifestes en série.

Pas une taie d'eau morte!

Nègre noir, l'autre
de toutes nos veines
Aimer ses airs
comme les nôtres
au grand soleil à boire
en plein hiver


AIMÉ CÉSAIRE

« (...) faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement........»
Cahier d'un retour au pays natal (1955)


«C’est quoi une vie d’homme ? C’est le combat de l’ombre et de la lumière… C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur… Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté.»
Libération, 18 avril 2008.


Extrait d'un Carnet pelé (photo jd.)

20 avril 2008

Solidaire dans Bourget

















Il y a une histoire de politicien hors cadre que je tiens depuis belle lurette, mais j'ignore d'où elle m'est venue, si cela se passe au Canada ou pas, c'est flou.

Un jour, un candidat (peut-être était-ce un gars du NPD), désireux de servir, arpenta pendant des années son bled électoral en cognant systématiquement aux portes des maisons. Il demandait simplement aux gens, calepin à la main dans lequel il notait tout : «Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous?»

Dans mon souvenir, il fut élu haut la main quand vint le jour de l'élection.

Je crois aussi me souvenir que Lise Payette avait utilisé une stratégie similaire dans la circonscription de Dorion en 1976.

Gaétan Legault, sociologue de formation, mécano-écolo, candidat de Québec solidaire dans Bourget, me fait repenser à cette anecdote. Aujourd'hui, dans le petit parc en face de l'église Ste-Claire, il a tenu une clinique gratuite de mise au point des vélos. Au moment de passer, Legault disait à un bon petit bougre : «Ta chaîne a dû prendre souvent les bords de trottoir!»

Ma bécane à moi a un pneu sur le flat. Mais je ne suis pas allé serrer la main de Legault pour cela!

Gaétan Legault, le mécano écolo

Bourget : revenu moyen (2000) : 24 453 $; taux de chômage (2001) : 9.3%; 26,6 % des ménages vivent sous le seuil de la pauvreté, ce qui serait plus élevé que la moyenne sur l'Île de Montréal.

Bourget est l'ancienne circonscription du Docteur Camil Laurin, puis de «la lionne» Diane Lemieux. Le dernier redécoupage de la carte électorale a détaché mon bout de rue qui était précédemment dans Pointe-aux-Trembles (représenté par les Bourdon, Léger, Boisclair). C'est dire que c'est un comté de l'Est de Montréal très majoritairement francophone (86 %), ouvrier et péquiste. Ma foi, plus péquiste qu'au Lac St-Jean!

Par voie de conséquence, l'excellent Maka Kotto (Parti Québécois) n'aura vraisemblablement aucune difficulté à faire son entrée à l'Assemblée nationale.

(J'estime beaucoup Maka Kotto. À titre de critique responsable du Patrimoine pour le Bloc à Ottawa, il a été un des rares à me répondre et à questionner la ministre du temps, Liza Frulla, complètement dans les vaps au sujet du dynamitage sauvage de la Chaîne Culturelle de Radio-Canada. C'était, on s'en souviendra de triste mémoire, l'œuvre du grand Sylvain Lafrance à qui on devrait remettre, en sus de la Légion d'Honneur et de la direction de TV5, la médaille du Mérite agricole, car c'est vraiment un gros légume de la Harvard Business School!)

Néanmoins, je n'hésiterai pas à voter QS comme en 2007, n'en déplaise à Bernard Descoteaux du journal Le Devoir qui trouve ce parti de gauche bien naïf.

En souhaitant redonner la ville aux citoyens pour qu'on puisse respirer (la rue Notre-Dame n'appartient pas qu'aux chars!), avec des équipements appropriés comme des voies cyclables qui ont de l'allure, Gaétan Legault est conscient de l'effet d'entraînement sur la santé et l'écologie. Je souhaite qu'il puisse récolter beaucoup de voix.

Aux élections générales de 2007, le QS avait obtenu 4,19% des suffrages dans Bourget.

Québec solidaire est jeune et est encore à construire des ponts avec l'électorat. Mais comme je l'entendais ce soir même à TLMP avec Hugo Latulippe, la classe politique accuse un retard considérable en regard des pointes progressistes des Québécois engagés un peu partout dans des projets souvent vitaux mais qui se cognent le nez sur la vieille carte mentale des politiciens en place. Et sur le gros confort des élites qui ont abandonné le spirit du peuple!

QS fait partie du printemps québécois à venir.

(Photos : jd)

Et puis, c'est fort intéressant, Gaétan Legault a été l'invité de Bazo. J'ignore la date exacte de l'émission (autour de novembre 2007. Cf. aussi un article du journal local Le Flambeau en date du 4 décembre 2007). Voici l'extrait de Bazo :

19 avril 2008

La grande ferronnerie des Rhinos

Extrait de L'Avis d'un Fou, un film de François Gourd et Martin Leblanc.

Ce n'est pas qu'un début. Mais ce n'est pas fini! Que la fête continue!
Et qu'elle se pète les bretelles!

Ce n'est pas là un devoir.
C'est un désir.

«Il vaut mieux raconter des blagues que de faire éclater des bombes»
- Jacques Ferron

17 avril 2008

Notre sauvage envie de libération (Refus Global)

Entendu ce soir À l'Usine C un extrait de Duplessis Le Noblet dans le Enchansonne Claude Gauvreau, de Rémy Girard. Entouré de bébitiers, le Cheuf déclare que les ceux qui sont pour la neutralité à l'école errent en baptême. Car «le bien et le mal existent». Et la lumière éternelle.

Entendu mot pour mot la même chose, il y a deux jours, dans la bouche de Bush le bushiteux, entouré du Papa de Rome : "le relativisme moral n'existe pas car il y a le bien et le mal."

Bien sûr, cher!

Sauf qu'entre les deux déclarations, un siècle de poésie et d'éthique s'est échappé par l'horizon des bibliothèques flottantes...

***


Sur le show de Girard & Frère, que dire? J'ai un rhume de «cervreau» assez embrumant. Je n'étais pas au meilleur de ma réception.

Ceci dit, les textes choisis de Gauveau sont abordés et arpentés selon des motifs musicaux divers (jazz, hip hop, contemporain), qui m'ont semblé toutefois dominés par le rock'roll assez classique. Solides musiciens, en passant, que ces Quêteux Lunaires dirigés par Jean-Fernand Girard (piano, compositions, arrangements...)

Les projections, au centre de la scène, sur un écran en forme de lune bien ronde, ajoute tout au long du spectacle couleurs, poésie et contextualisation, entre autres, ces extraits de «la grande noirceur» avec Duplessis, soutanes et moult goupillons. C'est toutefois à la fin seulement que la belle tête éclairée d'un Gauvreau jeune nous apparaîtra.

Dans ce format musical, les mots souvent culbutés, d'une grande épaisseur sonore, parfois non figuratifs comme on s'y attend, débordent les portées et se perdent dans les hauts et les bas des tounes les plus rythmées. Par contre, dans l'ensemble, on saisi le plaisir manifeste de Girard qui n'a pas une voix à tout casser, mais qui est bien meilleure que la mienne.

Cet univers poétique demeure vivant (le public était assez jeune), fascinant, mais aussi, dans ses carcans, luttes et agonies, on y trouve avec le recul des cordes moralistes préoccupantes.

J'entends ici par morale au sens large l'assignation de normes en regard d'une fin prescrite à l'avance. Tout écart de comportement est alors jugé à l'aune des prescriptions. Hier soir, le «devoir» d'intégrité artistique chez Gauvreau me sautait à la figure.

«La griffe écrit dans le sang
et ses messages les plus doux
sont ceux de l'agonie.»

- Claude Gauvreau, cité par The Swamp's song

Pouvait-il en être autrement pour la génération des jeunes artistes du Refus Global à la carrure de géant, têtes dures qui ont définitivement planté dans nos âmes, nos mains, nos rives, le drapeau de la liberté et de la magie? Gauvreau a tenu sa place debout.

On reconnaît parfois des passages lus dans la solitude de l'exubérance et qui tambourinèrent, ô Dieu sait comment! Coups de marteau sur l'attelage des chevaliers de l'aube qui rigolent dans l'auge de la mort. J'adorais lire Gauvreau à 20 ans. Je le copiais de partout. Si j'excepte La charge de l'orignal épormyable au Quatre-Sous (avec Godin), je dois avouer, néanmoins, que je suis rarement séduit par les «prises» dans la grammamaire de Gauvreau.

Malgré toutes les «explications» qu'on voudra donner sur l'utilisation de la musique des mots, si magistrale chez Gauvreau, - «On ne peut plus écrire de la même manière après Gauvreau», me disait Michael Thomas Gurrie -, je crois que l'effet de vérité à retardement de cette œuvre poétique est très subtil, qu'il est de l'ordre de la chaîne des lecteurs. Je ne dis pas cela pour cracher sur toute représentation publique de cet auteur et je distinguerais le théâtre de la poésie. Bien au contraire. Mais il reste qu'il y a quelque chose dans Gauvreau qui ne se rejoue pas. Idem pour Artaud.

Je pense ici (je parle pour moi) que l'éclairage salicaire de Jacques Ferron est capital. Le médecin qui a soigné avec les mots aide à comprendre la difficile et sempiternelle ligne de démarcation entre la folie et le génie. Malgré nos masques, l'une ne supporte pas nécessairement l'autre. Ferron écrit :

«Gauvreau ne douta jamais de son génie. Il n’a vécu que pour lui, ne concevant même pas qu’il dût gagner sa vie […], préférant à des tâches serviles les prisons et les asiles, quitte à y être abruti d’électrochocs et de neuroleptiques, se disant peut-être qu’il devait souffrir pour sa gloire, […] que ces supplices étaient en quelque sorte la démonstration de son génie» (Du fond de mon arrière-cuisine, Montréal, Éditions du Jour, 1973, p.217, cité par Éric Volant).

Lors de son récent passage à Tout le Monde en parle, Rémy Girard m'a étonné quand il a exprimé des doutes sur le suicide du Soldat Claude. C'est la première fois que j'entendais cette opinion. Est-elle fondée? Veut-il atténuer les décombres de l'amoureux fou se promenant toute la nuit sous la pluie, l'oeil absent, sans trench-coat? Peu importe, ce que je retire de l'entreprise de Girard est quelque chose comme un enthousiasme original et audacieux, une lecture personnelle qui ravive ma propre lecture.

Hier soir, la prise de contact avec le public s'est vraiment établie qu'à mi-chemin du spectacle avec une séance d'écriture automatique. Dans les textes plus longs, les musiques se faisaient plus aériennes, heureusement. J'ai aimé le passage très sensible évoquant l'oiseau triste aux yeux si beaux de Muriel Guilbeault qui s'en va comme une araignée. Amour transcendantal si épineux.

J'ai pour ma part préféré les quelques passages lus. Rémy Girard se montre alors tel qu'il est : un immense comédien.

Comme l'a dit à mes côtés mon comparse Louis, n'eût été de l'énergie du fin fond du jeune Rémy Girard, personne ne nous aurait représenté un Gauvreau jouissif, amoureux des mots, toujours vivant sur l'enclume des voix.

Critique (très bonne) de la Presse
Puis celle très positive aussi du journal Le Devoir
(21/04/08, hélas le texte intégral, bizarre de politique, est accessible aux abonnés seulement)


15 avril 2008

Slam d'avril 2008






Tenu à l'écart tout l'hiver par d'autres tracas, bardas et bordages, c'est vous dire le plaisir que j'ai eu, hier soir, à renouer avec les slameurs étoiles et l'ambiance du Patro Vys.

J'étais accompagné d'une invitée de marque débarquant de la douce France: Anne-Gaëlle, ingénieure en informatique, qui séjourne à Montréal pour quelques jours et qui ne tient pas à entendre parler de Sarkoche. Elle a beaucoup apprécié le slam de la rue Mont-Royal. On a finit cela à L'Escalier «qui ne paye pas de mine» et où elle a rit de bon cœur à chacune de mes jokes!

Mario Cholette, valeureusement, remplaçait au pied levé Ivy à l'animation, ce dernier étant malade.

J'ai agi comme juge. Cela nous fait voir le jeu autrement. J'ai été satisfait cette fois-ci de ne pas avoir octroyé une seule note trop haute ou trop basse, car seules les trois notes du centre, en effet, sur les cinq, sont retenues pour le cumul des points.

D'ailleurs, les pointages hier soir ont été élevés, constants et particulièrement consensuels. Si bien qu'un petit poil de rien délimite au final tout un chacun. Cela veut dire aussi que les performances «se tenaient» autant par les thèmes abordés (curieusement), que par le jeu somme toute assez égal des slameurs. Le tout baignant dans une ambiance relax grâce à Mario et Tofu (au pick up).

Benoît Ponton a arraché le premier rang avec des textes épicés-acides-réalistes-pamphlétaires, que sais-je encore? D'entrée de jeu, Benoît nous a présenté ce menu barbare, décliné sur un ton chirurgical presque atone, accumulation absurde de violences monstrueuses à saveur internationale, insupportables et pourtant comiques et quotidiennes, espèce de bouillabaisse à l'huile noire bouillante extrême... L'auteur n'y va pas avec le dos de la cuiller mais ajoute une pincée de sans rire à l'affaire. Malgré le côté douche froide, cela m'a semblé avoir beaucoup d'effet sur le public.

Le persistant et solide Jocelyn Thouin s'est mérité la seconde place. Je ne me tanne jamais d'entendre les textes de ce gaillard. Il y a du Deschamps en lui pour jouer la corde de l'ironie et nous faire rire quand même. Rien n'est gratuit chez lui. Il y a un combat sur le fil de cette poésie, un combat documenté par la vie, les gens autour ou encore par les archives de la langue Françoise en Amérique... La cage dans laquelle on empile les naïfs, nous tous au fond, n'en doutons pas, l'indigne; la mort et tous ses synonymes, l'étouffement des quartiers (c'est tantôt St-Henri, tantôt Hochelaga), le traitement «de classe» des artistes, i.e. le «pouche» inégal des talents; ce manque de coups de marteau philosophiques (et politiques) dans notre vie collective éteinte et pourtant encore si gorgée de jeunesse... Il y a du souffle à travers ces parages familiers, ces sparages de petite semaine, ces orages dans la rhétorique.... L'ami Thouin n'est pas du tout le genre à se croire tout seul sur son île. Partant, on aime à le suivre.

En troisième, quasi ex æquo, l'excellent Sébastien Larouche qui est un prestidigitateur, un dangereux agitateur de mots, un vlimeux de bon rythmeur de langue. Il m'a confié avoir hâte d'aller représenter le Québec à la 2e Coupe du Monde de Slam de Bobigny, en même temps que le 5e slam National de France, du 27 au 31 mai prochain. Rappelons que Sébastien est le grand champion 2006-2007 de la première saison slam du Québec.

Enfin, que dire de la présence sur scène toujours remarquable de Queen Ka, de l'écriture fine d'Isabelle Saint-Pierre, des nouvelles voix (pour moi) : Maryse Leblanc, Garcia, L'Âme Quidam...
À suivre.

Au début de chacune des performances, j'ai pris le temps de faire quelques clichés. Je partage ce qui est potable.


Sébastien Larouche

Maryse Leblanc

Le public du slam : toujours attentif

La reine, The Queen KA

L'Âme Quidam : universel.

Loue Garcia


Anne-Gaëlle et moi
(photo : Hélène Fortin)

Autres photos : jd.

Robbert Fortin

À la mi-temps du slam, hier soir au Patro Vys, Carl Bessette nous apprenait le décès dans la journée du poète Robbert Fortin (Hexagone). Sincères condoléances à tous ses proches.

TU M'AS JAMAIS VU TOI

Tu ne m'as jamais vu toi
dépasser le sel des morts
avec des gestes de vertige
les paumes alertes aux grenades du soleil
le visage inquiet dans les coulisses des fables
la chevelure noire comme un toit qui s'écroule
le cœur par terre à réparer ses désastres
à ce point défait pour finir dans la cendre
avec des os qui fendent la pierre

tu ne m'as jamais vu toi
les yeux plus paisibles qu'une planète
je m'éclipse comète vers l'aube
dans une fournée d'étoiles
pour dépasser l'horaire
que tu me donnes à suivre

tu ne m'as jamais vu toi
quand je m'éveille
aussi vaste que la terre

- Robbert Fortin, 24/01/05


14 avril 2008

Les jeunes en Tasmanie



Noémie (en turquoise, à droite) avec ses camarades européens sur une ferme maraîchère en Tasmanie (Australie).

Martin l'apprivoiseur...

On change de langue!

Noémie, l'esclave des brocolis douze heures par jour!

Martin en fermier lui aussi.

Les amoureux se reposent à la plage!

Photos : coll. Noémie Latendresse-Desmarais

12 avril 2008

Atchafalaya blues

Je m'en souviens très bien. C'était un dimanche gris. J'accompagnais Josette et Jean-Paul dans ce voyage qui, par le petit bout de la lorgnette, mais quand même, nous ferait voir la mystérieuse Atchafalaya.

Nous avions pris Wellow Street pour gagner la 40 vers Jeannerette, New Iberia, Broussard, Lafayette. Puis, nous avons longé la bretelle pour embarquer sur la 10 Est qui mène à la capitale, Bâton Rouge. Dépassé Nina station (je le mentionne à dessein pour faire flipper la Louve) et le Lac Bigueux (je ne me rappelle plus s'il était beau), nous sommes descendus dans un grand stationnement planté-là, à brûle-pourpoint.

Le bassin de l'Atchafalaya, la plus grande superficie lacustre des USA avec 1.4 million d'acres (10 fois la ville de Chicago), s'étire entre le Mississipi et le Golfe du Mexique dans le Sud-Est de la Louisiane. Photo : armée américaine.
En réalité, cette niche minuscule de terre ferme sous nos pieds, incertaine brumeuse au cœur des marais, m'a semblé transpirer de toute part une ambiance de fin du monde. L'horizon était bas. Ça sentait l'huile.

En marchant dans les sentiers, j'ai vu soudain un bassin à ciel ouvert de pétrole, la grosse affaire ici. Off shore. La surface était d'un noir étale où l'on voyait à la perfection le reflet des branches et des nuages. C'est étrange ce mélange un peu glauque de la nature avec ce qui bouille et tache.

Dans l'air humide, on apercevait ici et là, des épaves de souches, du bois mort flottant, des chênes et les cyprès surréalistes, mystérieux, avec de longs cheveux centenaires, les pieds dans l'eau, échappés du rivage.



Les cypres sont les rois du règne végétal ici. Ils peuvent tenir jusqu'à 1000 ans! Ils servent de maisons à plus de 300 espèces d'oiseaux et la moitié des migrateurs de l'Amérique du Nord, jusqu'à deux millions par jour, viennent y déposer leur bagage.

Dans les marais de l'Atchafalaya ( Photo : Gaëlla, suite à son aimable autorisation)
Mais l'industrie forestière a aussi besoin d'eux : des jobs, des sous... Elle a faim.

Les bêtes «farouches» sont partout camouflées dans l'invisible survie de leurs ébats. Panthères, renards, aigles, faucons pèlerins.... Des milliers de gueules d'alligators. (Ils sont gentils les cocos-riz.)

On sait aujourd'hui que l'Atchafalaya (qui veut dire «longue rivière») est menacée par le fleuve Mississipi, le monstre parallèle retenu par un fil depuis 40 ans, qui creuse dans son propre delta et qui est en train inexorablement de changer de lit, ce qui risque de submerger littéralement faune, flore et pays cajuns.

Ce dimanche-là, lors de notre promenade tranquille où chacun arpentait de son côté, j'ai fraternisé un court moment avec des gars de bicycle qui m'ont offert une Bud. La musique était tonitruante. Défiance de la jeunesse malgré le moral à terre. La guerre du Vietnam n'est pas encore terminée, le saviez-vous? Le Watergate a écœuré le peuple.

J'aperçois Clift, un de mes élèves à la Willow Elementary School. J'aime bien ce garçon qui est content de me voir mais semble un peu intimidé. Il vient pêcher avec sa famille qui a chalet dans le coin. C'est un paradis pour les écrevisses, parmi les meilleures au monde, assure-t-on.

En agrandissant ces anciennes photos rapaillées ici, si on est fin observateur, on apercevra Josette qui marche entre les souches et Jean-Paul en chandail blanc, de dos, derrière le bassin de pétrole. (Photo : jd)

Jean-Paul, Josette et moi sommes revenus en silence, il me semble. À partir de là, je ne me souviens plus de rien. Sans doute étions nous à creuser l'impression de rude sauvagerie qui glissait dans nos âmes, pour toujours, des empreintes de vieux chênes de la rivière divagante.

Je ne sais même plus si nous avions vus tous ces chênes que j'imagine à présent.

Plus tard, sur la Main à Franklin, j'achèterai chez le photographe une grande photo finie grain sépia où l'on voit des chênes se mirant dans l'Atchafalaya. C'était un cadeau pour ma blonde.

Photo originale : photographe de Franklin, La. Photo de la photo : jd.

Tout ça tient encore!

Notes :
* Sur Katrina et ses suites, cf. les archives 2006 de Zachary Richard;
* Sur la vie dans les marais, la protection des fôrets et du littoral louisianais, cf. Eva Hernadez, Waterkeeper Magazine, 2005 ;
* Photos de la réserve faunique de l'Atachafalaya : *
+ Sur le Mississipi : Wikipedia.

Le sang noir du capitalisme


L'acteur Daniel Day-Lewis dans la peau de Mr. Daniel, un capitaliste sauvage.

J'ai hélas raté ce film, There will be blood, lorsqu'il fut projeté en salle. J'avais hâte de le voir surtout après avoir lu le billet enthousiaste de l'ami Onassis qui est versé en ciné, mais aussi parce que le film, huit fois nominé aux derniers Oscars, en a gagné deux dont celui du meilleur acteur qui couronne le travail du comédien Daniel Day-Lewis.

Le film est maintenant entré dans sa carrière video et nous l'avons vu hier.

Excellent film qui ne craint pas de théâtraliser parfois le jeu intense des acteurs, ce qui est rare pour une vue des states. Les 20 premières minutes, sans dialogue, sont littéralement captivantes. Tout au long, la photographie est remarquable.

Le film s'appuie, en toile de fond, sur l'émergence d'abord artisanale, puis sur la montée inexorable de l'industrie du pétrole dans l'Ouest des U.S.A., de 1898 à la crise de 1929. On y joue aussi la carte de la spiritualité et de la religion avec tout ce qu'il faut de violence pour brasser la marmite des valeurs américaines.

Mettons que nous sommes sur une autre planète et que la terre iraqienne nous est inconnue, on pourrait naïvement se demander si le sang coule encore, à l'aube du 21e siècle, à cause de l'or noir? C'est-à-dire à cause de l'appétit qui vient avec le son du baril?

L'environnementaliste John F. Kennedey Jr, tel un prédicateur des temps post-modernes, écrit dans le plus récent numéro de
Vanityfair:

«Today, we don’t need to abolish carbon as an energy source in order to see its inefficiencies starkly, or to understand that this addiction is the principal drag on American capitalism. The evidence is before our eyes. The practice of borrowing a billion dollars each day to buy foreign oil has caused the American dollar to implode. More than a trillion dollars in annual subsidies to coal and oil producers have beggared a nation that four decades ago owned half the globe’s wealth. Carbon dependence has eroded our economic power, destroyed our moral authority, diminished our international influence and prestige, endangered our national security, and damaged our health and landscapes. It is subverting everything we value.»

Détournement de rivière dans le ciel

Un coin de l'Atchafalaya se mirant dans le ciel montréalais. Des chênes de 500 ans rencontrent de jeunes faux-féviers.

Photo : jd


10 avril 2008

Slam du printemps

L'affiche de la 7e rencontre slam, ce lundi 14 avril 2008 au Patro Vys (356 Mont-Royal Est), se pointe comme un beau soleil d'avril. On pourra entendre :

JEAN-SÉBASTIEN LAROUCHE, MARIO CHOLETTE, QUEEN KA, L'ÂME QUIDAM, LOU GARCIA, BENOÎT PONTON, MARYSE LEBLANC, ISABELLE SAINT-PIERRE et JOCELYN THOUIN.

À l’animation, IVY; Paolo Tofu, chauffeur d'ambiances au «pick up».

09 avril 2008

Printemps hollandais


Réjean la tulippe

«La Hollande est magnifique à cette période de l'année. (...) Nous avons passé quelques jours à Amsterdam et les coffee shop sont toujours très actifs (voyez ce que je veux dire?) Et les courtisannes certainement acoquinées avec Mariejeanne. En tout cas, toujours les sabots en l'air! (...) Pour le reste, il demeure que les Hollandais sont d'une amabilité agréable et les Hollandaises...Ho la la! quelles sont belles sur leur vélo! Le printemps me travaille? Vive le printemps a l'année!»
Réjean.
Réjean Prime Printemps, sur les quais du village de Hoorn (a inspiré le nom du Cap Horn).

08 avril 2008

À côté d'la track


























Premier album de David Marin.
Remarquable!!

«Loin loin de tous ces consommateurs de fric»

J'écoute pour la trentième fois son Lundi Matin un peu sauvage.

il y a un brin de Desjardins dans l'fond de la caisse sur Tournanron qui est aussi une critique folk électrique plus subtile que tous les sondages à la noix du tourne autour du pot des BB : «On est devenu aussi tranquille que la révolution (...) Un jour faudra tourner la page, laisser l'amour en héritage».
Ayolle les hips!
«Loin loin portera cette musique (...)
Loin loin, mais peut-être pas»

Après l'avoir envoyé à des amis en France, j'ai enfin à nouveau l'album au complet pour moi. C'est dans mes oreilles, là, maintenant. Pas juste remarquable, c't'écœurant! N'hésitez pas une minute à accueillir le joli brasse-camarade de ce jeune flo.

Accordéon, harmonica,«égoïne électronique» (selon mon hallucination), violon, Légaré à la contrebasse, bon « team » de guitares, timbre au niveau de l'âme, poésie, vent, tonnerre, piano, bref, un orchestre qui SONNE avec des percussions qui ne s'astinent pas! 

07 avril 2008

Kivu Express




Train de nuit vous amène en Afrique, correspondance directe avec le Kivu Express.

Il est passé en coup de vent au bureau il y a deux semaines. Nous nous étions vus dans l'ascenseur. C'est un collègue. Toujours le sourire aux lèvres. Pierre est un architecte en mission internationale qui œuvre présentement au Congo.

- Pierre, as-tu des photos?

- J'ai un blogue, qu'il me dit : «Kivu Express». Dis-le aux autres...

Kivu est un grand lac profond sillonné de pirogues...

Sitôt le pied mis dans le Kivu Express, on part! On trouve d'abord un détour coloré de vacancier (?) qui s'est faufilé jusqu'aux Indes. Mais en toile de fond, c'est l'Afrique, c'est le Congo, ses couleurs, ses maisons, ses champs, ses forêts, ses enfants, la vie et ses outrances (cf. entre autres l'entrée Les deux Serge du 20/08/07).

À travers les images, l'œil de l'architecte nous saute aux yeux. Le tout est accompagné d'une mine de renseignements et de références autour du Rêve africain.



Bon retour sur les rives du lac Kivu, cher Pierre. Fais attention à toi.





Photos : collection Pierre Richard.

05 avril 2008

Vive la différence!


















Il nous a manqué un peu de temps et de génie pour ficeler au mieux le thème des «accommodements culturels» qui était cher à Medhi lors de la Nuit Blanche, le mois passé, au Centre d'Histoire de Montréal. Mais ce thème, il va nous tenir sur le qui-vive peut-être tout au cours de ce siècle et pourra se développer, espérons-le, comme on cultive un jardin. Avec patience et passion. Sans jamais tenir rien pour acquis.

La différence? Accepter la différence sans racoler le relativisme est peut-être la question éthique la plus épineuse qui soit sur le plan de l'intersubjectivité.

En tous cas, il y a le groupe hip hop québécois Imposs qui offre sur la question un beau Poing de vue festif. C'est plus trippant que l'ADQ et le parti de concombres manqués de Stephen!

«À défaut d'avoir une vie de plus pour se reprendre
il y a celle qui nous reste (...)»




Photo : jd

04 avril 2008

Le Passeur


Sous les rafales de tristesse
aux cornets Orléans

Plus intense que le froid de cristal
qui guette le sang

Plus loin que l’ombre
des valets inachevés


Plus tard que la poussière
de ce jour sans date


Plus haut que la fumée
des épinettes aux plumes d'or


Plus riche que le sombre père Market
dégoulinant de lettres sans pouls


Plus fou que mon coeur
allumé par les rames de ton corps


Plus joyeux que le désir papillon
du vent crapaud qui stance

Plus joli que les traces de blanc en avril
sur les ailerons du Nord...


Il n'y a pas encore assez de lys tigrés
qui se bigarrent dans les prés,


de rails invisibles
pour le chant goulou des hippocampes


de sculptures écarlates, de dignité,
d
’éperlans vigoureux,

de craies cerises pour le voyage

Pas assez de rires versicolores
dans le calice de tes yeux !


Va-t-il donc advenir
ce temps de répit et de caresses

cet hommage à l’Homme

pauvre flamme en carriole,

notoire ritournelle qui ricoche

entre les oies blanches et l’orage

entre la parabole et l’âne

stagiaire qui pommelle
sous les fadaises des puissants

griffonne des esquisses
jusqu’au flanc sourd de la mort


ce malin transversal
qui fait suer les archives de marbre...


Plus loin que les coups bas des empires

Plus vrai que le vrac
de la vieille machine à crime


Va-t-il advenir comme un arc

au-dessus du rêve

crevé de lune qui siffle


Le pont flambant neuf
des étoilés ?



mars - avril 2000

Ce texte fut lu à la radio de Radio-Canada par Michel Garneau,
Les Décrocheurs d'étoiles, le 25 août 2000.